Les-Reflexions-de-Mayoke

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Orpheline de mes parents

Par Mayoke  le 14 Mai 2012

Je vais raviver des sentiments douloureux chez vous, je vous prie de m'en excuser ; mais, peut-être, trouverez-vous dans mes mots l'expression de votre chagrin, de votre tristesse, de votre désarroi.

J'ai 57 ans, j'ai eu ma part de bonheurs et de chagrins dans ma vie, déceptions, désillusions, éclats de rires, petits chagrins d'enfant et grosses larmes d'adulte, voire désespoir et tentatives de suicide, ça y est, je l'ai dit. J'ai surmonté bien des épreuves, mon visage porte les traces de mes rires au coin de mes yeux et les traces de mes larmes aussi. Malgré tout, je me sens forte car j'ai un mari qui m'aime et que j'aime et un enfant sensible et attachant.

En ce moment, je vis le double deuil de mes parents, décédés à 18 mois d'écart et si j'ai fait allusion à mes proches qui m'aiment, c'est parce que dans l'épreuve, ils sont là pour moi, ils sont vivants, présents dans ces moments difficiles.

 

J'ai eu une enfance agréable, aînée d'une fratrie de 4 enfants, nés en 4 ans, eh oui ! 2 soeurs, un frère. Nos parents n'étaient pas riches, mais nous ne manquâmes de rien ; mon père était un homme moderne dans les années 55, il aidait ma mère à s'occuper de nous, il se levait la nuit pour  donner le biberon, il changeait les couches, il a toujours été présent pour nous malgré des journées de travail longues et pénibles. Il n'était pas du tout sévère, ma mère avait la gifle (légère) rapide.  Et les années passèrent et chacun d'entre nous fit sa vie et les petits-enfants s'ajoutèrent à la famille.

 

Papa est tombé malade en 2010, cancer du colon, sa mère en avait souffert elle aussi et en mourut. Et les mois ont passé et la terrible maladie a rongé papa, il a changé physiquement, il s'est épuisé et il est décédé en septembre 2010. Et là, tous les quatre réunis autour de maman, dans ce cimetière qui accueillait papa, notre chagrin était solidaire, nos souvenirs étaient les mêmes. J'ai éprouvé un profond sentiment de tristesse, et dans la dépression qui a suivi, je ne supportais pas l'idée de savoir papa sous la terre. Les mots église, cimetière, enterrement, fleurs, couronnes ont pris forme lorsque mon père, celui qui me portait dans ses bras lorsque j'étais bébé, a été porté en terre. Et je pris brûtalement conscience alors de la perte de cet être que j'aimais. Et je ne pouvais supporter dans mon chagrin qu'il soit seul, tout seul, sous une couche de terre, dans le noir, le froid. Ces pensées sembleront peut-être absurdes, incom-préhensibles aux yeux de lectrices, lecteurs mais c'était mon ressenti. 

Aujourd'hui, maman est décédée, en fait, elle est décédée  le 28 avril dernier, en toute fin de nuit, un samedi de pluies ininterrompues, un jour gris, venteux, un jour de larmes. Maman était déjà bien malade lorsque papa était lui aussi malade, ils avaient été tous les deux hospitalisés en même temps d'ailleurs à une période, maman souffrant elle aussi d'une grave maladie. Elle s'était remise tout doucement, et dans la maison de retraite qui l'accueillit, nous venions la voir très régulièrement. Ma plus jeune soeur habitait tout près et venait la voir chaque jour. Il fut ma- lheureusement question d'une nouvelle opération. A la suite de celle-ci, maman si fragile, vit son état s'aggraver et il fut très vite envisagé qu'elle ne se remettrait pas. J'avais eu, en ce qui me concerne, une très mauvaise intuition concernant maman, un samedi midi, j'ai éprouvé un très fort sentiment de perte, je ne saurais décrire exactement ce qui se passa en moi, chaud, froid et la certitude s'imposant en moi que maman allait mourir. Lorsque je lui rendis visite, en entrant dans sa chambre, je fus surprise par le froid intense qui régnait dans la chambre. En fait, c'était impossible, la température était normale dans une chambre de malade. Alors, la certitude de mon intuition se confirma et je serrai fort maman dans mes bras. Et quelques jours plus tard, le chirurgien, optimiste au départ, annonça que maman allait mourir. On était fin mars, maman a tenu 3 semaines ; nous nous sommes relayés mes soeurs, mon frère et moi auprès d'elle. En ce qui me concerne, assise auprès de maman, elle qui s'affaiblissait de jour en jour, perfusée, sondée, en soins, pansements, entourée d'un personnel soignant attentif, je caressais ses mains, j'embrassais son front. Elle  retrouva pour moi les mots d'enfant qu'elle me disait, ma puce, minette, elle serrait mes doigts, j'avais l'impression qu'elle communiquait avec moi en morse, tapotant avec ses doigts sur ma main, me donnant un message d'amour, poursuivant avec moi ce chemin tracé à la naissance, ce lien mère-fille, ce code secret entre elle et moi. Et dans son regard, dans mon regard, survivait notre amour. La vie nous avait parfois éloignée l'une de l'autre, nous n'étions pas toujours d'accord, des querelles nous avaient séparées, nous avions néanmoins maintenu notre lien d'amour, fait de chair et de sentiments. Et je sais que dans chaque heure passée auprès de maman, dans cet échange de regards, dans nos doigts entrelacés, se sont écoulés 57 années d'amour, cet amour qu'elle a ressenti à ma naissance, cet amour que nous avons partagé toutes les deux.

Lors de ma dernière visite, la veille de sa mort, elle n'a pas pu ouvrir les yeux, elle était sous morphine, elle souffrait trop, je me suis assise près d'elle, et je l'ai regardée, regardée, je me levais pour embrasser son front, je caressais ses doigts, et j'ai pleuré, là, je pouvais le faire, elle dormait si profondément, elle ne pouvait pas me voir, il fallait tellement se retenir pour ne pas pleurer devant elle, elle qui rapetissait dans son lit, elle dont les traits s'émaciaient. Je lui ai parlé, elle endormie et moi, si proche d'elle, je lui ai décrit son jardin, ses fleurs, le printemps qu'elle aimait tellement et qu'elle ne verrait plus. 

 

Ma maman est morte, mon père est mort, maman est sous terre elle aussi et je ne supporte pas cette idée de la savoir ainsi dans le noir, si petite, si seule.

Et mon chagrin est immense, je dois me rappeler les bons moments avec elle, avec le temps s'effaceront les tourments du deuil, mais aujourd'hui, je pleure, je pleure, je suis la fille aînée de maman, je la pleure, elle qui calmait mes pleurs d'enfant. J'ai un gros chagrin, c'est un gros baluchon qui se videra avec le temps, peut-être, mais cette perte immense, papa, maman, c'est pour le moment insupportable. Je vous chéris tous les deux et je vous aime. Votre fille.



13/06/2013
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